Association Florus Histoire et patrimoine de Flourens

2017 Veillée : 1666 Décret royal d’ouverture du canal du midi

30 novembre 2016

Ce vendredi 21 avril 2017, Gérard Crevon  a dévoilé l’histoire connue et moins connue de cet ouvrage classé au patrimoine mondial de l’UNESCO.Il a retracé les problèmes surmontés par Pierre-Paul Riquet pour lancer de tels travaux, obtenir l’accord du Roi et surtout les financements colossaux nécessaires pour une telle folle entreprise. Un spectateur m’a dit:   » …et tout ça sans une pelleteuse !!!! »

L’écrivain Mireille Oblin Brière est intervenue pour préciser les traits de caractère du personnage Pierre-Paul Riquet qu’elle a évoqués dans son dernier ouvrage. Le pot de l’amitié a été un moment convivial propice aux échanges avec les deux orateurs.

La présentation de Gérard Crevon s’appuie sur un de ses articles paru dans la revue Couleur-Lauragais.

L’Edit de Saint-Germain d’octobre 1666, acte fondateur du canal du Midi

Il y a 350 ans, Louis XIV proclamait solennellement : « Nous avons dit et ordonné, et par ces présentes signées de notre main, disons et ordonnons, voulons et nous plait qu’il soit incessamment procédé à la construction du canal de navigation et communication des deux mers océane et méditerranée ». C’est l’Edit de Saint-Germain d’octobre 1666.

edit-st-germain-1666

Cet acte fondateur est l’aboutissement d’un processus qui avait débuté en 1662 avec la soumission par Riquet à Colbert d’un projet de voie navigable entre Garonne et Méditerranée. Deux ans plus tard, ce projet avait commencé à prendre corps avec les vérifications effectuées sur le terrain par une commission de validation. Enfin, l’année suivante, Riquet avait exécuté une rigole d’essai entre l’Alzeau et Naurouze et il avait prouvé magistralement qu’on pouvait alimenter le canal à partir de la Montagne Noire.
Toutefois, la démonstration que l’ouvrage était techniquement réalisable ne suffisait pas pour décider de passer à l’action. Le projet posait bien d’autres questions qu’il fallait résoudre au préalable.

L’aspect foncier – En détournant plusieurs rivières, on allait priver leurs riverains de l’eau qu’ils utilisaient habituellement. De même, en prenant leurs terres, on allait enlever aux paysans leur outil de travail, et on allait priver leurs seigneurs directs des redevances qu’ils leur versaient; le clergé allait perdre sa dîme. En créant une voie d’eau, on allait couper des chemins et compliquer la circulation des riverains. Par ailleurs, le réalisateur du canal devrait pouvoir tracer son itinéraire comme il l’entendrait. Toute la population languedocienne n’adhérait pas forcément à la création d’un tel ouvrage. En particulier, une grande partie de la Noblesse était largement opposée au principe-même d’un canal.
Seul le Roi, en sa qualité de seigneur supérieur de toutes les terres du royaume, avait l’autorité suffisante pour contraindre les uns à céder leurs terrains, les autres à renoncer à leurs eaux.

Le financementUn chantier d’une telle ampleur pouvait-il être assumé financièrement par le Roi ?
Puisque le Languedoc en serait le principal bénéficiaire, les Etats de cette province ne devaient-ils pas le prendre en charge ?

Dans le passé, les Etats de Languedoc s’étaient toujours opposés à des projets similaires et ils restaient sur la même position.
Pouvait-on alors s’inspirer du canal de Briare ?
La réalisation de cet ouvrage avait débuté en 1605, grâce à un financement de l’Etat. Mais l’assassinat d’Henri IV en 1610 avaient mis fin aux travaux. Sa construction n’avait pu reprendre qu’en 1638, grâce à un accord passé entre Louis XIII et trois particuliers qui avaient pris entièrement à leur charge l’achèvement du canal. En échange, ils en avaient reçu la propriété assortie de la concession de son exploitation. Ce canal, qui reliait la Loire à la Seine à travers le Loing, avait été mis en service en 1648. Toutefois, les deux ouvrages étaient bien différents : le canal de Briare mesurait 54 km, celui de Languedoc serait cinq fois plus long.
La dimension technique -Sur quelles bases allait-on déterminer l’itinéraire ? Quel gabarit allait-on donner au canal ? Quels aménagements fallait-il prévoir ? Quelles précautions devrait-on prendre ?

Le trajet du canal n’était pas encore déterminé de manière bien précise, surtout dans le Bas-Languedoc où l’on n’avait pas encore choisi à quel port maritime on le ferait aboutir.
L’Edit stipule que le canal devra être construit « suivant et conformément au devis fait par le Chevalier de Clerville ». Le cahier des charges techniques sera donc rédigé par un ingénieur militaire et annexé à l’Edit.

Le statut du canal Lorsque le canal serait construit, de quelle manière allait-on l’exploiter ? Comment allait-on pourvoir à son entretien ?
L’Etat pouvait faire l’ouvrage à ses frais, en conserver la propriété, le faire exploiter en régie et pourvoir aux dépenses d’entretien avec les revenus. Mais il pouvait tout aussi bien l’affermer. Cependant, lorsqu’on avait voulu, en 1638, finir le canal de Briare, on avait retenu une autre solution. En contrepartie de la prise en charge financière complète des travaux d’achèvement par les nouveaux entrepreneurs, le Roi avait érigé l’emprise du canal en un fief relevant directement de la Couronne, et il en avait concédé la seigneurie à ces entrepreneurs, avec tous les droits attachés à ce fief et en particulier celui de son exploitation.
Pour trancher dans toutes ces questions en faisant prévaloir l’intérêt général sur les intérêts particuliers, l’intervention de la plus haute autorité de l’Etat s’imposait avec un texte qui aurait force de loi. Tels sont la raison et l’objet de l’Edit.
Le plus long chantier du règne de Louis XIV allait débuter trois mois après. Il faudra attendre 16 ans pour que le canal soit intégralement ouvert à la navigation. Et 350 ans après, nous pouvons toujours admirer ce si remarquable ouvrage.